Cher(e)s lecteur(e)s,
Les plus anciens lecteurs de mon blog s'en souviendront peut-être, j'avais consacré un article à la crèche blanche ou crèche de la Chandeleur.
Aujourd'hui, j'ai décidé de refaire un article car certains parmi vous ont demandé des explications, la littérature nous donne peu de renseignement sur la crèche blanche, j'ai donc fait appel pour répondre aux questions à un spécialiste de l'histoire des santons, mon ami Michel Vincent de Belgique qui a eu l'extrême amabilité de m'envoyer les photos de sa crèche et les textes qui l'accompagnent.
Je tiens aussi à préciser que les santons sont aussi réalisés par lui-même. Ils mesurent 45 cm de hauteur. Pour la clarté des propos le texte en bleu est rédigé par Michel.
Avec la Chandeleur, le 2 février, l’Église fête deux solennités : les relevailles de la Vierge et la présentation de Jésus au Temple.
Ce jour clôt le cycle de Noël dans la liturgie ancienne. C’est, en Provence, celui où l’on démonte la crèche de Noël.
A Avignon et un peu partout dans le Comtat Venaissin, à la cathédrale d’Aix, à Digne, elle est remplacée par la « crèche blanche ».
Cette crèche est la narration de la présentation de Jésus au Temple (Luc II, 22-40) et mêle tradition judaïque et coutumes provençales. Moins connue, peut-être moins accessible que la vision joyeuse du cortège des santons cheminant vers l’étable, elle n’en demeure pas moins une page intéressante de l’Histoire sainte.
La présentation de Jésus au Temple
« Puis quand vint le jour où, suivant la loi de Moïse, ils devaient être purifiés, ils l’amenèrent pour le présenter au Seigneur, - ainsi qu’il est écrit dans la loi du Seigneur : Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur – et pour offrir en sacrifice, suivant ce qui est dit dans la loi du Seigneur, un couple de tourterelles ou deux petits pigeons.
Or, il y avait à Jérusalem un homme du nom de Syméon. Cet homme était juste et pieux, il attendait la consolation d’Israël et l’Esprit Saint était sur lui. Il lui avait été révélé par l’Esprit Saint qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. Il vint alors au Temple poussé par l’Esprit : et quand les parents de l’Enfant Jésus l’amenèrent pour faire ce que la Loi prescrivait à son sujet, il le prit dans ses bras et il bénit Dieu en ces termes :
« Maintenant, Maître, c’est en paix, comme tu l’as dit, que tu renvoies ton serviteur.
Car mes yeux ont vu ton salut,
que tu as préparé face à tous les peuples :
lumière pour la révélation aux païens
et gloire d’Israël ton peuple. »
Le père et la mère de l’enfant étaient étonnés de ce qu’on disait de lui. Syméon les bénit et dit à Marie sa mère : « Il est là pour la chute ou le relèvement de beaucoup en Israël et pour être un signe contesté. Toi-même un glaive te transpercera l’âme. Ainsi seront dévoilés les débats de bien des coeurs. »
Il avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était fort avancée en âge : après avoir vécu sept ans avec son mari, elle était restée veuve et avait atteint l’âge de quatre-vingt ans. Elle ne s’écartait pas du Temple, participant au culte nuit et jour par des jeûnes et des prières. Survenant au même moment, elle se mit à célébrer Dieu et à parler de l’enfant à tous ceux qui attendaient la libération de Jérusalem. »
Evangile de Luc 2. 22-38 (traduction TOB)
La loi de Moïse (Exode XIII, 12, 15) prévoyait que « tout mâle qui ouvre la matrice soit présenté au Seigneur ». C’est la raison pour laquelle Jésus est présenté au Temple de Jérusalem. Selon l’usage pour les relevailles Marie devait sacrifier 2 colombes blanches « l’une en holocauste, l’autre pour le péché ». C’est l’offrande des humbles (Lévitique XII, 8). La couleur du plumage des oiseaux aurait donné le nom à la crèche. Une autre explication serait celle de linges blancs utilisés pour couvrir la crèche de Noël.
La tenue du grand prêtre suit la description de l’Exode Chap. XXVIII et XXXIX. Le pectoral d’or pur réunit les douze pierres représentant les tribus d’Israël.
Détail du grand Prêtre, au front, l'inscription en hébreu Kadoch Adonaï "Consacré au Seigneur ». Au bas de l'éphod (sorte de chasuble portée sur la tunique et surmontée d'un manteau court), les clochettes et les grenades qui signalaient la présence du prêtre à l'Eternel quand il entrait une fois par an dans le saint des saints. C'était un lieu totalement vide...
La menora, chandelier à sept branches, évoque le Temple de Jérusalem détruit par Titus. Symboliquement, j'y mêle aussi des éléments juif (le chandelier) et musulman, le tapis est un tapis de prière. Les trois religions monothéistes sont ainsi présentes.
La crèche blanche a une symbolique plus profonde et plus hermétique que celle de Noël. J'insiste donc davantage sur le caractère psychologique des personnages en mélangeant la tradition catholique et hébraïque.
Les deux autres protagonistes de la scène, Anne et Syméon, reconnaissent en Jésus « l’oint du Seigneur ». Ils sont représentés en costumes provençaux comme les autres santons : Anne en costume de veuve arlésienne d’époque Louis-Philippe, Syméon un costume 1830 commun à toute la Provence.
La prophétesse Anne avec le voile dont l'Arlésienne se couvre la tête pour entrer à l'église
et Syméon couvert du châle de prière.
Il apporte un panier de navettes, pâtisseries emblématiques de la cité phocéenne en forme de barque rappelant l'arrivée de Lazare et des saintes Maries sur les rives de la Provence. Ces gâteaux marseillais de la Chandeleur étaient destinés à rassasier les pèlerins de l’Abbaye Saint-Victor venus communier à jeun avant l’aube. Elles existent au moins depuis 1781.
La tradition des cierges verts que l’on voit sur la menorah et dans les mains des santons fait référence à un récit légendaire. Elle était connue au Moyen-âge et encore attestée à Aix au XVIIe siècle. Il semble qu’elle ait subsisté uniquement à Marseille. Le vert symboliserait-il l’espérance en cette fête des lumières ?
Vous pouvez admirer cette crèche blanche et la crèche de Noël chaque année à l'église Saint-Remacle-au-pont à Liège.
Je remercie chaleureusement Michel Vincent pour ses explications et le partage des photos de sa superbe crèche.
Les prochains billets seront consacrés aux lecteurs qui m'ont envoyé les photos de leur crèche de Noël.
Bien à vous
Santounette